La philosophie devenue folle: Le genre, l'animal, la mort by Jean-François Braunstein

La philosophie devenue folle: Le genre, l'animal, la mort by Jean-François Braunstein

Auteur:Jean-François Braunstein [Braunstein, Jean-François]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Literary Criticism, General
ISBN: 9782246811947
Google: DiFtDwAAQBAJ
Éditeur: Grasset
Publié: 2018-09-18T22:00:00+00:00


Charmante conclusion ! Singer s’indignera par la suite que ses conférences en Allemagne aient donné lieu à des manifestations d’opposants qui rapprochaient ses doctrines du nazisme. Comment pourtant ne pas penser ici au livre des deux universitaires allemands, Hoche et Binding, précurseurs, en 1920, du programme nazi d’extermination des déficients mentaux, qui proposaient de détruire les « vies indignes d’être vécues », ces « existences-ballasts » et ces « coquilles humaines vides », qui empêchent les sociétés d’avancer à leur meilleur rythme et ne possèdent aucun « droit subjectif à la vie10 » ?

Cet argument des cas marginaux est également au cœur de l’argumentaire de Paola Cavalieri et du « Projet Grands Singes ». Les appels à « l’humanisme » pour refuser des droits aux grands singes seraient hypocrites car « nous avons toujours eu, dans notre espèce, la présence d’individus non paradigmatiques, qui sont irrévocablement dépourvus de caractéristiques jugées typiquement humaines : les handicapés mentaux, les demeurés et les séniles11 ». Cavalieri s’étonne qu’il nous semble cruel de pratiquer sur eux des expérimentations que l’on fait d’habitude sur des animaux, notamment dans le cadre de la recherche médicale. Si nous ne voulons pas faire d’expérimentation sur ces humains non paradigmatiques, il n’y a aucune raison d’en pratiquer sur les animaux. En effet, si l’on se place d’un point de vue strictement « scientifique », rien ne justifie une différence de traitement entre les chimpanzés et les hommes : « nous savons aujourd’hui que nous partageons avec les autres animaux nombre de nos gènes et une histoire évolutive commune12 ». Dès lors, mieux traiter les humains non paradigmatiques que les grands singes, ce serait conserver pour ceux-ci « le statut moral de seconde classe qui est le leur aujourd’hui13 ».

Luc Ferry avait très justement objecté à Cavalieri que si les handicapés ne sont pas traités de la même manière que les animaux, c’est qu’ils ont été, ou seront, au moins potentiellement, des « citoyens actifs » : « les grands singes ne pourront jamais être plus, et encore s’exprime-t-on là par simple analogie, que des “citoyens passifs”, à la différence des enfants qui ne le resteront pas, des handicapés mentaux sévères qui pourraient ou auraient pu ne pas l’être et des vieillards séniles, qui ne l’ont pas toujours été14 ». À cette critique, Cavalieri répondait, ce qui était censé nous tranquilliser : « je ne prône pas un traitement moins égal pour les êtres humains non paradigmatiques ». Mais elle ajoutait immédiatement, ce qui est beaucoup moins rassurant : « sous réserve bien entendu, qu’ils aient des intérêts conscients et soient donc inclus dans le champ d’application des arguments de la Règle d’or », règle d’or dont l’élargissement est l’objet du « Projet Grands Singes » et qui s’énonce ainsi : « Traite autrui comme tu voudrais qu’il te traite15. »



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